Alors
que je suis plongé dans ce que j'espérais être la première grasse
matinée des vacances, maman ouvre la porte dans un tonitruant :
-
Vous êtes réveillés les grands ?!?
-
Maintenant oui, grogne Patricia maussade, tandis que je creuse
un tunnel sous ma couette pour tenter d'échapper à la suite.
Peine
perdue, maman ne lâche pas.
-
Allez, allez, ne gaspillez pas ce temps précieux... Il est déjà
sept heures ! Mathias, sors de là-dessous ! Faites votre yoga
et venez vite manger vos flocons d'avoine... C'est le grand jour et
vous devez prendre des forces pour le voyage.
Zut,
me dis-je, toujours tapis dans mon lit. Qu'est ce que mes parents ont
encore bien pu inventer ? Jusqu'ici, ils n'avaient parlé de rien, et
j'avais naïvement espéré qu'on ne partirait pas cette année.
Quelle illusion ! C'était juste leur manie des surprises. Au
secours. Du plus loin que je me souvienne on n'a jamais passé une
première semaine de vacances normale. Pourvu, pourvu, pourvu qu'ils
ne nous aient pas encore trouvé une communauté de doux dingues
comme l'année dernière... Avec leurs graines à midi et leurs
germes le soir on a failli mourir de faim.
Allez,
courage, dans quelques petites années je serai majeur et je pourrai
choisir mes vacances... en attendant autant me lever, il vaut
toujours mieux affronter la réalité en face. Hop, debout !
Soudain,
mon petit frère se propulse comme un missile sur le lit de ma sœur
rendormie... ça va chauffer !
-
Tataaaaaaane !!! Hurle sauvagement Patricia. Je vais te pulvériseeer
!!!
Ce
qui fait hurler de rire le Tatane en question, déjà reparti comme
une flèche nuire à l'autre bout de l'appartement.
Tatane
c'est son surnom, celui qu'il s'est choisi parce qu'il le trouve
rigolo. En vrai il s'appelle Jules, comme César. L'empereur des
bêtises : trois ans de vie et aucune limite. Maman dit que les
limites nuisent à l'épanouissement personnel des enfants.
Peut-être, n'empêche j'aurais pas aimé prendre son épanouissement
de plein fouet au réveil... et visiblement Patricia n'a pas apprécié
non plus. Furieuse, elle regarde le monde d'un œil aussi noir que sa
mèche en bataille.
J'essaie
d'être encourageant :
-
Allez viens, autant savoir ce qui nous attend... et puis ça peut pas
être pire que l'année dernière !
Patricia
ne me répond même pas. Elle enfile sa grande robe noire sur son
pyjama noir, ses mitaines noires, son foulard noir à têtes de mort
(blanches, les têtes de mort) et enfin son bonnet noir par dessus sa
mèche noire, qu'elle replace devant son visage sombre. Après quoi
elle farfouille au fond de son lit et en extrait « Le Rat »,
qui est, comme son nom l'indique, son rat domestique. Elle l'installe
sur son épaule avant de me suivre, morose, en traînant ses
bottillons noirs sur le tapis du couloir. Pas le temps pour le Yoga,
on verra ça une autre fois.
...
...